Cache-cache [libre]

Quelques jours seulement. A peine plus d'une semaine qu'il était là et déjà, il sentait que le besoin de partir se faisait plus pressant. C'est surement pour cette raison qu'il n'y cédait pas, pour se prouver qu'il était plus fort que la peur de se retrouver derrière les barreaux. Ne pas fuir, ça pouvait paraitre brave mais dans son cas, cela s'apparentait davantage à de la folie et de la provocation. Rester jusqu'à ce qu'on le chasse, jusqu'à ce que les sirènes de police à sa poursuite lui brise les tympans.

Installé dans un petit appart dans le coin, Luke avait vite compris que pour se faire des connaissances dans le coin, et profiter un tant soit peu, il fallait de l'argent. Et un mec qui sort dix billets de ses poches sans expliquer d'où ça vient, ça attire les questions et s'était bien la dernière chose qu'il voulait. Surtout s'il voulait poser un pied à terre dans cette ville un peu plus d'une semaine. Mieux vallait se fondre dans la masse. Ainsi Lukaël avait décidé de se prendre un petit job de serveur. Il avait vu une annonce et avait saisit l'occasion, même si ce n'était pas une vocation. A une époque il était parti pour être ingénieur, mais les événements récents lui avaient clairement signifié que cela serait voué à l'échec dorénavant. Plombier, ça pourrait aussi passer qui sait ? Mais pour l'instant, il était là, à regarder de pauvres ratés cuver au bar, ou sombrer encore un peu plus dans l'inconscience. Il soupira et posa le verre du client sur le bar.

Une heure plus tard la plupart des clients avaient désertés, ne restaient plus que les derniers débris qui se persuadaient surement qu'ils pourraient rester là jusqu'au petit matin. Dans vos rêves les gars. Alors qu'il allait jeter un froid en allant débarasser le chantier afin que lui et les autres serveurs puissent partir, il vit deux policiers se diriger vers le bar. N'était-il pas un peu tard pour une ronde ? Il jeta un coup d'oeil autour de lui, se demandant quelle attitude employer. Sans le vouloir, les questions se bousculaient dans sa tête. En ont-ils après moi ? Quelle attitude est la plus naturelle ? Pour y couper court, il décida d'opter pour la solution de facilité. Il posa son torchon sur le bord du bar et glissa à un des deux autres serveurs ...

Lukaël ▬ Je prends ma pause.

Oui encore et alors ? Que pouvait-il répondre ? Un flic vient d'entrer je suis recherché par interpolle, désolé, on se voit demain ? Pas très convainquant. Il passa donc par les vestiaires prendre sa veste et sortit un paquet de camel de sa poche. Avant même d'être sortit, il la glissait déjà entre ses lèvres, savourant le plaisir de sentir la fumée s'insinuer en lui. Fumer tue, des conneries. Tout un tas de truc tuent. Les flingues tuent, les accidents tuent, une glissade sur une peau de malade aussi. Pourtant, personne n'en faisait tout une histoire. Soudain il entendit un bruit derrière lui ...

Lukaël ▬ Ah, je ne suis pas le seul à jouer à cache-cache ...

Je marchais entre les rayons de la librairie. Je pouvais distinguer cette odeur de vieux livres que j'aimais tant, et à coté, cette odeur de nouveaux livres. Chaque matin je sentais ce parfum, ce doux mélange, et pourtant cela me faisait le même effet à chaque fois. J'étais une passionée de livre, et ce depuis que je sais lire. Toujours dans mon coin à travailler, mais en réalité la moitier du temps je m'emportais dans un monde nouveau, mon monde à moi, c'est-à-dire à lire tel ou tel livre emprunté à la bibliothèque. J'y passais tout mon temps libre ou presque, c'est ce qui me faisait avancer. Et même après la mort de Kristen, je n'avais pas perdu le gout de lire, c'est bien ça qui me rendait heureuse et qui me faisait tout oublier. Mais je n'étais plus une étudiante, j'avais une vie, un travail et un loyer à payer. J'étais seule, je n'avais plus papa et maman pour m'aider, j'étais libre. Et cela faisait un bien fou, loin d'eux, loin de tout. Un livre tomba. Je le ramassais, regardant le titre. Les hauts de Hurlevant. Un livre magnifique, que j'ai du lire au moins une bonne dizaine de fois. Je m'amusais à tous les ranger, les classer par grandeur ou ordre alphabetique. Il n'y avait pas enormement de monde qui passait ici, et encore moins ceux qui achetait. C'est bien pour ça qu'on est que deux. Mon patron et moi. C'est un homme agé qui a fait ça toute sa vie, et qui me raconte ses souvenirs quand il n'y a pas de client. Il a vécu, j'ai comme l'impression que c'est mon grand-père, qu'il raconte tout à sa petite fille. J'entend la cloche de la porte d'entrée, ce qui signifit que quelqu'un vient d'entrer dans la librairie. je me dirige vers la caisse, mon patron partit au pays des rêves à l'étage en haut. Je restais souvent mes soirées ici, à lire les livres que je ne connais pas. C'est comme un deuxième chez moi. Bonsoir puis-je vous aider ? Dis-je avec un grand sourire. C'était une jeune femme blanche avec des taches de rousseur, des lunettes noires et une queue de cheval. Elle me dit non d'un signe de la tête et se dirigea automatiquement vers le rayon des romans. Je m'assis sur la vielle chaise en bois, attendant patiement qu'elle resorte, un livre à la main prête à payer. Quelques minutes plus tard, elle resortit, sans un livre. Elle dit aurevoir et quitta la librairie. Je cogna le bureau avec mon poing, prenant la clef pour fermer la porte d'entrer. Il était tard et plus personne risque de venir. Je pris mon gilet et mon paquet de Malboro et sortit par la porte de derrière. Dehors il faisait noir, juste une petite lampe eclairait la ruelle. Je cognais dans le mur avec rage. Ah, je ne suis pas le seul à jouer à cache-cache ... Je sursautais. J'apperçu alors un jeune homme brun. Je l'avais vu quelque fois au café à coté de la librairie. D'habitude, il n'y a personne à l'arrière. Dis-je en baissant la tête pour prendre une cigarette. Ce dernier fûmait aussi, je me sentais moins seule d'un coup. Je ne dis rien, n'osant pas. J'étais pas le genre de fille à me présenter illico-presto à quelqu'un, j'étais pas ouverte, j'étais une fille timide et solitaire. Je le regardais, il fit de même.